Avec détermination
Antoine Schmitt, 2000
Séries en lignes, interactives et autonomes.
“Ce sont des créatures silencieuses, aux prises avec leur environnement, dont nous faisons partie.”
Cet espace rends compte de mes recherches en cours autour de cette notion. Il me sert d’espace d’exposition immédiat, dans lequel je montre les créatures au fur et à mesure de leur achèvement. Et pour ne pas surcharger l’espace, je retire les plus anciennes.
Mes bases de travail sont les suivantes: je crée un corps, constitué de fragments d’images, souvent minimales. Je plonge ce corps dans un univers physique, principalement constitué d’un espace rectangulaire dont le corps ne peut sortir (une boite), et dans lequel règne une force de gravité qui tire les corps vers le bas. Ce monde physique, un ensemble d’équations mathématiques, s’incarne ici sous la forme d’algorithmes qui agissent continuellement sur les corps plongés en son sein.
Une fois ce corps et cet univers physique mis en place, je fournis au corps des muscles, qui sont des forces agissant sur les éléments du corps les uns par rapport aux autres. Ces forces aussi s’incarnent (s’implémentent) sous forme d’algorithmes agissant dans l’immédiat, en temps réel.
Enfin, je dote la créature de motivation, c’est à dire d’une force qui pilote les muscles et qui la fait bouger dans un certain but. Par exemple, se tenir debout. Cette motivation, elle aussi implémentée par un algorithme, active les muscles en fonction du décalage entre le but et la perception que la créature a de sa propre position et de son mouvement actuels (kinesthésie) , selon un principe connu en cybernétique sous le nom de téléologie prédictive par rétroaction négative.
Cette force de motivation agit dans un objectif bien déterminé et avec des règles clairement écrites, mais les muscles ne répondent pas toujours bien, les joints tremblent parfois aléatoirement, les muscles fatiguent, la motivation décline ou augmente, la prédiction est parfois fausse, et la kinesthésie n’est pas toujours parfaite. Ces imperfections elles-mêmes sont programmées à l’aide coefficients aléatoires se déclenchant de manière aléatoire.
Ces défauts, ainsi que l’opposition entre le but et les contraintes physiques (boite, gravité) plongent la créature dans une lutte sans fin, dont nous sommes les spectateurs impuissants. D’autant plus impuissants que le moindre mouvement de notre part (avec la souris) déplace l’univers entier, c’est à dire la boite dans laquelle se trouve la créature, la perturbant encore plus.
Pour chacune de ces créatures, je cherche à approcher une certaine essence d’être. Un mode d’être, un étant, de qualité différente pour chacune d’elle. Et pour cela, je me concentre sur leur dynamique, leur mouvement, sur les formes que prend leur motivation dans leur réalité. L’image, accessoire, ne sert qu’à nous permettre d’appréhender leur mode d’être. L’interaction elle-même n’est qu’un lien minimal entre leur réalité et la notre. Pour chacune de ces créatures, sa présence, si elle se manifeste, découle d’un rapport délicat entre la motivation et les forces et formes de l’aléatoire, du corps et de l’univers.
J’espère que cette visite vous donnera l’envie de revenir.”
Antoine Schmitt, Mai 2000.
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